Roots Rock Reggae

Jamaïquains racistes ?

C'est une remarque que j'entends depuis des années. "Ah ouais, les Jamaïquains, ils sont racistes, ils n'aiment pas les blancs..." Un constat qui me sidère autant qu'il m'intrigue, depuis longtemps. Car, je ne peux parler ici que de mon expérience propre, jamais je n'ai été confronté au début d'une réaction raciste à mon égard. C'est pourtant mon quatrième séjour dans l'île, et je passe le plus clair de mon temps dans des zones de Kingston très peu réputées pour leur côté accueillant. Et pourtant, jamais je n'ai ressenti le moindre problème quant au fait que je sois blanc. Je fréquente assidument des rastas, des garveyites et autres vétérans de la cause noire, et jamais cette question de pigmentation différente n'est venue spontanément sur la table.

Lors de la conférence que j'ai eu l'occasion de donner vendredi à l'Université des West Indies de Kingston, consacrée au développement international du reggae, j'ai soulevé ce point. En parlant des clichés récurrents fleurissant en Europe à propos des Jamaïquains, j'ai évoqué face au public cette image de racisme supposé qui leur est prêté. Il aurait fallu filmer leur réaction de dépit, voire de stupeur face à cette allégation. Lors de la passionnante discussion qui a suivi mon exposé, le sujet est revenu souvent. Les gens présents cherchant de toutes leurs forces le pourquoi de cette image. Une mauvaise compréhension de la notion de fierté noire et du rappel récurrent des horreurs de la traite et de l'esclavage véhiculés par les textes du roots reggae ? La peur atavique du Blanc lorsqu'il est entouré d'une population quasi exclusivement noire ? Beaucoup de questions, des pistes, aucune réponse définitive.

Une femme rasta présente dans la salle a quant à elle posé la question en ces termes : "Je ne dis pas une seconde que nous soyons racistes mais, si ce type de réactions existe, ne peut-on pas quelque part en expliquer l'origine de par notre histoire et l'état de notre société aujourd'hui ?"

C'est dans cette direction que je chercherai la réponse le jour où, éventuellement, je serai confronté à une réaction hostile quant à mon taux de mélanine. Car, en Jamaïque, aujourd'hui comme hier, le Blanc symbolise le riche, celui d'en haut, des collines oû la brise souffle, où les gullies ne débordent pas, où les routes restent praticables même après quinze minutes de déluge. Si un jour on me dit que je ne suis pas le bienvenu parce que je suis blanc, je le prendrai comme une réaction sociale, et aucunement raciale ou ethnique.

Car, c'est une conviction très profonde, les Jamaïquains ne sont pas racistes. Et je les admire profondément pour ça.



18/10/2009
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