Roots Rock Reggae

Honourable Usain Bolt OJ

On l'imagine sans peine, Usain Bolt a pris en deux ans une place à part dans le ciel jamaïquain. Si le monde entier s'est extasié devant les performances inouïes du sprinter de la province de Trelawny - connue comme le "yam parrish", ce qui a suffi pour que certains cherchent du côté de l'igname le secret de la vitesse de Bolt -, la Jamaïque a quant elle été littéralement chavirée de bonheur et de fierté par ses exploits de Pékin et de Berlin. Si vous dites" 9 58" ou "19 19" à un Jamaïquain, il saura immédiatement de quoi vous parlez. A Kingston, le country bwoy le plus rapide de l'histoire est partout, tout le temps. Y compris au coeur des polémiques.

Les honneurs rendus au héros tout d'abord. Les journaux sont pleins de longs débats passionnés sur la pertinence de donner à un jeune homme de 23 ans le titre de OJ - Order of Jamaica, la 4e plus haute distinction du pays, qui fait désormais précéder son nom d'un "Honourable" -, et de "Ambassador-at-Large" de l'île. Beaucoup craignent que, malgré ses exploits sur la piste, un rôle diplomatique soit un peu beaucoup de responsabilités sur ses jeunes épaules, fussent-elles larges. Les critiques sont également féroces à l'encontre de l'opportunisme supposé du premier ministre Golding, accusé de prendre le train - ou la fusée - en marche, pour profiter un peu de l'extraordinaire popularité de l'athlète. Bolt, fidèle à lui même, accepte ces honneurs avec décontraction, déclarant qu'il est prêt, et que de toute façon, il est "déjà depuis longtemps un grand ambassadeur pour le pays". Ce que personne ne saurait raisonnablement nier.

Mais c'est la seconde polémique qui pourrait causer le plus de tort à Bolt. En prenant ouvertement partie pour l'artiste Vybz Kartel, aka "Gaza", dans la guerre qui l'oppose à Mavado, aka "Gully", il s'est mis à dos une partie de l'opinion, furieuse de le voir s'impliquer dans cette dangereuse rivalité. Car la "guerre" Gaza-Gully, initialement musicale, est devenue par endroits une guerre à coup de balles. Plusieurs supporters de Kartel ou de Mavado sont morts lors d'affrontements armés. Les murs du ghetto sont couverts de graffitis de soutien à l'un où à l'autre. Les "Gaza" et "Gully" ont remplacé les "PNP" et "JLP" de jadis. Avec le même résultat désolant : la mort de jeunes ballottés entre les rivalités qui déchirent ce pays. Criant à l'inconscience, les détracteurs de Bolt se désolent de voir celui qui a unifié l'île devant les postes de télévision jeter de l'huile sur le feu d'un conflit imbécile et meurtrier. Les défenseurs, souvent eux-mêmes supporters de Kartel d'ailleurs, mettent quant à eux en avant le fait qu'un jeune Jamaïquain comme lui a le droit de vivre, d'aimer le dancehall et Vybz Kartel, et de le dire haut et fort.

Seulement voilà, de par son statut de star planétaire, et désormais d'ambassadeur officiel de son pays, Bolt n'est plus un jeune Jamaïquain comme les autres. Son attitude dans ce conflit qui occupe tant de discussions dans les rues de Kingston est l'occasion pour lui de prouver qu'il est effectivement prêt pour tant d'honneurs.

 



10/10/2009
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